Texte 4

Texte 4:

Debbie ne pensait qu’à ça depuis qu’elle lui avait ouvert la porte. Mais qu’est-ce qu’il lui était passé par la tête ? il ne venait jamais aux dîners traditionnels des retrouvailles et voilà qu’il était là ! maintenant, croisons les doigts, pourvu que tout se passe bien !! Et Sunshine qui en a eu le souffle coupé, qui est devenu encore plus pâle que ce qu’il est d’ordinaire !! Quel con, ce Brian !!

Evidemment qu’elle savait à peu près ce qui s’était passé : la distance, les retours de plus en plus durs, les séparations ; c’était sûr que ça allait capoter. Et vlan, ça n’avait pas raté ! pour ce que ça leur avait apporté : Sunshine avait perdu son sourire et Brian des kilos !!

- Debbie !! tu as fait des lasagnes végétariennes ???

Ah ! heureusement qu’elle avait cet ange de Michaël, Ben (ce n’est pas demain qu’il re-bouffera des lasagnes aux algues chez elle , celui-là!!) et JR,  Hunter parti étudier le droit.

- Oui parce que je croyais que les filles allaient venir mais avec elles , on ne sait plus : ensemble, pas ensemble, ça change tout le temps ! Mais finalement, si Ben les veut…

Bon, tout va bien jusque là ; pourvu qu’il n’y ait pas une seule illusion au passé : un mot, un lieu, un souvenir  et fini pour le dîner. Non, incroyable mais tout le monde a appris à se tenir, avec les années.

 C’est-à-dire qu’il n’y avait plus à parier sur la longévité de leur couple, puisqu’il n’y a plus de couple ! Ted n’y penserait surement pas, accroché à Blake comme toujours, leur petite fille était gardée par Molly et Emmett regardait Beau comme la nouvelle Merveille du monde et il y avait de quoi. Quel heureux hasard de se retrouver chez le dentiste !! Cette fois, Emmett n’avait pas laissé passer l’occasion et Beau était adorable.

Elle pouvait compter sur Carl qui savait tenir sa langue, une vieille habitude de flic.

C’était super : on buvait, on mangeait, on racontait des blagues, on riait, on parlait projets pro, projets persos et même voyages. Tout allait magnifiquement bien…sauf pour Justin qui faisait bonne figure mais ne prononçait que quelques mots par politesse et Brian , en face de lui , qui n’avait pas décroché un seul sourire depuis le début, évitait tellement de regarder Justin que Debbie avait compris qu’il ne pensait qu’à ça..

Mais Debbie les avaient vus : ces yeux dorés étaient remplis d’une expression inconnue quand ils se posaient sur Justin , au moment où Brian pensait que personne ne le voyait. Elle avait vu que, sous le coup de l’émotion, la main blessée de Justin s’était remise à trembler légèrement et qu’il se gardait bien de l’utiliser pour éviter les questions.

- Vous pensez qu’on est trop vieux pour finir au Babylon, ce soir ?

Et voilà ! Evidemment Emmett !! Et deux coups derrière les oreilles en une seule phrase ! le Babylon et la jeunesse finie !! Ah ! il n’en ratait pas une… Tous pétrifiés, les regards tournés vers Emmett, silence de mort !... rompu par Brian…

-Tu me passes ce putain de sel ?

Tout le monde sait que Brian n’a guère de patience et n’attend pas ; il joignit le geste à la parole ;pour aller attraper cette putain de salière, Brian se souleva un peu de sa chaise et en se penchant en avant , une chaîne en or avec un bijou suspendu  émergea derrière la chemise et  se balança à son cou, bien au-dessus de la table.

Justin reconnut immédiatement le bijou. Il l’avait gardée, il avait gardé l’alliance, pire il la portait à son cou…

Tout le monde l’avait vue , personne n’y fit allusion. Inutile de renouveler la gaffe…

Brusquement, Justin prétexta aller chercher du vin et se précipita à la réserve ; Brian savait que cet homme, celui qui l’avait rendu meilleur, celui qui l’avait rendu vivant,  celui qui l’avait aimé plus que tout, celui qu’il aimait plus que tout, cet homme –là  était bouleversé. Qu’après ces années, il était encore capable de lui faire du mal.

A l’étonnement de tous, Brian quitta la table. Dans la réserve, il s’approcha de Justin qui levait des yeux rougis vers lui, des yeux pour lesquels Brian pourrait mourir juste pour y déposer de doux baisers. Des yeux dont le souvenir l’avait presque tué.

-Justin…

- Non, Brian. Ne dis rien ; ce n’est pas ta faute …Tu l’as gardée. Tu la portes sur ta poitrine.

- C’est là qu’est mon cœur…

Justin n’avait jamais rien entendu d’aussi beau…

- Justin, il faut qu’on parle.

On devinait le regret, mais aussi l’envie, la peur, les souffrances, le sourire, l’espoir…

- Parler, Brian ?

Plus Brian s’approchait de Justin, plus il s’enivrait de l’effet que Justin avait toujours eu sur lui ; son odeur, sa peau claire, ses cheveux blonds … Il ne comprendrait jamais pourquoi il perdait le contrôle et d’ailleurs, il ne cherchait même plus à savoir ; il vivait cette sensation et ça le rendait fou.  Ce qui comptait , c’est qu’il avait encore une chance aujourd’hui…

- Oui, c’est exactement ça.  Viens au loft… maintenant.

Deux minutes plus tard, Debbie râlait avec un grand sourire qu’ils allaient rater « son » dessert et peut-être profiter d’un autre…